Yatma Diouck, ancien international, premier sénégalais à l’OM: « Au Sénégal, aucun gardien de but de ma génération ne m’a résisté »

18 février 2013

Yatma Diouck, ancien international, premier sénégalais à l’OM: « Au Sénégal, aucun gardien de but de ma génération ne m’a résisté »

Yatma Diouck ! Son nom ne dit peut être rien à la jeune génération. Mais il fut le premier sénégalais à évoluer dans le club français de l’Olympique de Marseille. A 66 ans, il est une légende vivante dans sa ville natale de Saint-Louis. En marge de la soirée de gala de l’Association nationale de la presse sportive (Anps) tenue dans la ville de Mame Coumba Bang, Yatma Diouck nous a accordé une interview. Il revient ici sur ses débuts à Saint-Louis, son aventure en sélection, mais aussi son passage à l’OM. Il jette également un regard critique sur le football d’aujourd’hui et les difficultés qui plombent le secteur, tout en apportant son appréciation sur l’évolution du foot sénégalais, avec notamment la nomination d’Alain Girese à la tête des Lions.

Entretien.

L’ANPS a honoré les anciennes gloires de Saint-Louis dont vous faites partie. Qu’est ce que cela vous fait de recevoir une telle distinction, dans la Ville qui vous a révélé au monde ?

Vous savez, il n’y a rien de plus beau que ce geste de l’ANPS. Dans ma vie, j’ai eu un Lion d’Or, un ordre du mérite. Mais être décoré dans ma ville natale, devant mes enfants, mes épouses, mes amis, mes parents, y a pas plus beau que ça. Je revois ici mes anciens camarades, mes aînés et cela fait plaisir. Je ne saurais vous expliquer à quel point je suis comblé. Je remercie l’ANPS et les hommes de médias du pays. Sans eux, personne ne parlerait encore de nous. Je voulais que vous soyez mon interprète au prés de mes anciens supporters, de mes adversaires qui sont aujourd’hui là. Certains jouaient au Réveil, d’autres à la Saint-Louisienne ou l’Espoir. Je tiens personnellement à remercier Mamadou Koumé pour cette belle initiative et toutes les actions qu’il pose.

Il sera certainement difficile de parler de vous à la jeunesse d’aujourd’hui. Qui est Yatma Diouck ?

Je suis né à Saint Louis du Sénégal. Je suis un ancien international sénégalais. J’ai eu la chance d’habiter le quartier Santhiaba, dans la Langue de Barbarie. C’est dans les rues de ce quartier que j’ai appris à jouer au football, avec des amis dont Yérim Diagne. J’avais également d’autres amis à savoir Cheikh Thioune, Youssou Ndiaye (ancien ministre des sports) qui jouaient dans l’équipe de la Saint-Louisienne. J’avais une grande admiration pour eux et je voulais suivre leurs traces. J’étais toujours à leur lieu de préparation de match les samedis et les lundis pour les réunions de critiques. C’est de là que j’ai vraiment eu la passion du foot.

Quel âge aviez-vous à l’époque ?

J’étais jeune, j’avais pratiquement entre 15 et 16 ans. Cheikh Thioune que les gens appellent « maréchal » me disait toujours de venir et qu’ils vont m’aligner. Et quand il me disait cela, j’étais qu’un simple supporter de la Saint-Louisienne. Mais il a fallu que mon nom commence à parcourir les rues de la Ville pour que les gens s’intéressent à moi. J’étais avec mon ami d’enfance Yérim Diagne. C’est durant cette période que les dirigeants de Réveil (un autre club de Saint-Louis) sont venus pour nous demander de rejoindre leur équipe Yérim et moi. A cette époque, le Réveil avait gagné la coupe de l’Aof (Afrique occidentale française). Immédiatement, ils voulaient nous faire jouer. Mais nous n’étions pas photographiés et cela ne répondait pas aux règlements d’alors. Par la suite, les dirigeants ont pu régler cela.

Cela suppose que vous n’avez pas connu les petites catégories avant d’évoluer avec les séniors ?

Dans ma vie de footballeur, je n’ai jamais connu la petite catégorie. Et c’est sur cette dimension que j’avais fait les tests avec le Réveil. J’avais à peine 17 ans et demi. Mes aînés me disaient toujours : « Yatma, tu peux faire ce que tu désires sur le terrain », se remémore-t-il, nostalgique. A travers cela, ils voulaient me libérer, car ils ne doutaient point de mes qualités. Ils savaient que techniquement et tactiquement j’avais le niveau.

Vos premiers pas en équipe nationale du Sénégal ?

J’avais passé une année dans mon club de Réveil de Saint-Louis. Et c’est de là que j’ai rejoint l’équipe nationale du Sénégal. J’ai eu à participer en 1962 à la coupe Kwame Nkrumah à Accra au Ghana. J’étais également de la génération de 1963 qui avait à l’époque remporté les jeux de l’amitié. J’ai participé à l’aventure d’Addis Abéba en Ethiopie. Ce sont des moments forts qui me marquent encore. Je peux dire qu’en équipe nationale, j’ai réussis. Je vous rappelle que jusqu’à nos jours, notre victoire aux jeux de l’amitié demeure le seul trophée majeur de l’histoire de notre football. Ma fierté, j’étais le plus jeune joueur du tournoi avec 17 ans et demi. Quand je vous dis que j’ai joué avec Lamine Diack qui fut mon entraîneur, mon directeur technique. A l’époque, il y avait Youssou Ndiaye, Elhadj Malick Sy « Souris » qui étaient mes aînés, avec Yérim Diagne qui a une année de plus que moi.

A quel moment avez-vous senti le besoin de s’exiler et plus particulièrement en France ?

Mon départ pour la France est lié à ma prestation à Addis Abéba en Ethiopie. C’est de là-bas que Mario Zatelli qui était à la tête de l’Olympique de Marseille m’a repéré. Je me rappelle encore qu’avant mon départ, nous sortions d’un match face à la Côte d’Ivoire que nous avions gagné ici par deux buts à un. On avait joué le match samedi et dimanche je suis revenu à Saint-Louis. Lundi, on m’annonce que je dois impérativement rallier Marseille pour un test.

Comment étaient vos débuts avec l’Olympique de Marseille ?

En 1968, j’arrive à Marseille la nuit et le lendemain, on me dit que je dois aller à l’entraînement des olympiens. J’ai donné mon accord, puisque c’était un match d’entraînement. Arrivé au stade, je vois Joseph qui était un puissant avant-centre camerounais, avec un autre togolais du nom de Frank Fiavo. A cet instant, je me suis dit qu’il s’agit de l’équipe amateur. Le seul que j’avais reconnu, c’était Jean Djorkaeff (Ndlr : père de Youri, ancien footballeur Français). C’était le capitaine de l’équipe. Vous savez à l’époque, y avait pas tellement cette médiatisation. Je suis parti avec l’idée que ces gens là sont des amateurs. Moi qui suis international, je dois être plus fort qu’eux.
Le stade était plein et je vous jure qu’on a fait que 45 minutes, j’avais déjà tout le monde dans ma poche. Il y avait l’arrière droit du nom d’André Tasson qui était titulaire indiscutable, je l’ai grillé comme je veux. Il me disait Yatma, ici les places sont chères. A la fin de la rencontre, les gens voulaient tous me voir de prés. Tout le monde parlait de moi. Mon cas, il est spécial. Ils me donnaient de l’argent et ils étaient tous contents de moi. Mon histoire avec Marseille, on peut passer toute la soirée à discuter, mais peut être que tu ne le pourras jamais enregistrer. J’ai fait deux ans là-bas, mais j’ai eu la malchance, le découragement, avec aussi des choses que je ne pourrais pas dire ici. J’avais eu trop de confiance des dirigeants marseillais de l’époque.

En vous replongeant à vos débuts, quel regard portez vous sur le football d’aujourd’hui ?

Pour moi, il est impossible de faire une telle comparaison. Les ballons ont changés, les terrains aussi. Aujourd’hui, le football est médiatisé. Nous avions plus d’espace que les attaquants que nous voyons de nos jours. Avec les systèmes mis en place, c’est plus compliqué pour eux. A l’époque aussi, nous avions des joueurs extrêmement forts. Aussi forts que la génération d’aujourd’hui. Je ne peux pas me juger, mais je peux vous assurer qu’ici au Sénégal, aucun gardien de ma génération ne peut dire qu’il n’a pas encaissé un but de ma part.

La Ligue Pro entame sa quatrième année. Est-ce qu’au niveau de Saint-Louis vous sentez ce professionnalisme ?

Les gens s’agitent en parlant de professionnalisme, mais je pense que ce n’est pas encore ça. Nous sommes encore en apprentissage, mais il faut que les gens contribuent. Il faut avoir à la base, des personnes qui soutiennent les initiatives. Ici à Saint-Louis, nous n’avons rien vu du professionnalisme. Un club professionnel doit avoir un bon budget capable de payer les joueurs mensuellement. Mais tel n’est pas le cas. Les footballeurs entrent souvent tardivement dans leurs fonds. Ce qui est anormal pour un club qui se dit professionnel. Dans de nombreux clubs, ce sont les mêmes problèmes.

L’équipe nationale de football du Sénégal à un nouveau entraîneur en là personne d’Alain Giresse. Connaissez-vous l’homme ?

Alain Giresse, je l’ai connu en tant que footballeur. Il était intelligent et il jouait bien. Mais moi en ce qui me concerne, je ne me fais pas de fixation sur une personne. Lui ou un local, le plus important est d’avoir un bon entraîneur, capable de faire de bons résultats pour le peuple sénégalais. Dans une autre mesure en tant que ancien international, je suis pour l’expertise locale.
Quelles devraient-être les priorités du nouvel entraîneur pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés ?

Giresse fut un grand joueur. Le football sénégalais traverse certes des moments troubles, mais je pense que sur les deux ans de son contrat, il peut y arriver. S’il parvient à choisir les bons hommes, je suis convaincu qu’il pourra atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

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Commentaires

Villard Philippe
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Bonjour,
Superbe article. Je suis archiviste sur l'Olympique de Marseille, et je voulais savoir si je peux reproduire cet article sur mon site (www.om1899.com) et si Mr.Yatma Diouck, peut m'envoyer un autographe, s'il vous plait

Amitiés sportives

Philippe